Dans l’économie d’aujourd’hui, marquée par l’incertitude, les changements rapides et une forte pression concurrentielle, la productivité est devenue un levier décisif pour les entrepreneur.es. Bien au-delà d’une question de volume produit, il s’agit de concevoir des processus plus intelligents, d’adopter l’automatisation et d’intégrer l’intelligence artificielle afin de libérer des gains d’efficacité et de transformer les modèles d’affaires.
En tant que banque des entrepreneur.es, BDC joue un rôle essentiel pour accompagner les entreprises canadiennes qui souhaitent explorer ces possibilités. L’organisation s’engage à aider les petites et moyennes entreprises, les PME, à réussir grâce à l’accès au financement, à des services-conseils adaptés et à des outils pratiques qui renforcent leur compétitivité.
L’équipe d’ALL IN a rencontré Véronique Dorval, vice-présidente exécutive et cheffe de l’exploitation de BDC, pour mieux comprendre le rôle central que joue BDC dans la construction de l’économie canadienne. Depuis 2022, elle supervise les lignes d’affaires Financement, Capital de croissance et transfert d’entreprise ainsi que Services-conseils de BDC, en veillant à ce que les entrepreneur.es bénéficient de solutions intégrées qui génèrent des effets mesurables. Forte de plus de vingt ans d’expérience en stratégie, en transformation et en expérience client chez Sun Life et McKinsey & Company, elle apporte une expertise approfondie sur la manière de convertir la productivité en croissance durable.
Découvrez l’entrevue complète ci-dessous. (traduite de l’anglais)
ALL IN : « Productivité » est un terme souvent cité lorsque l’on parle de rendement à l’échelle nationale et celle des PME. Qu’est-ce que cela signifie concrètement?
Véronique Dorval : La productivité du travail mesure le produit intérieur brut réel, le PIB, généré par heure travaillée dans un pays. Pour une entreprise, elle correspond à la valeur ajoutée en biens ou en services par heure ou par employé. La productivité est déterminante pour la performance financière et la réussite de l’entreprise.
La productivité consiste à travailler plus intelligemment plutôt que plus intensément. C’est l’efficacité avec laquelle on transforme des intrants en extrants, ce qui implique de rationaliser les opérations, de réduire le gaspillage et d’accomplir davantage avec moins. Pour l’entreprise, cela se traduit par une meilleure efficacité, une utilisation plus avisée des ressources et une plus grande agilité. Souvent, ces gains proviennent de processus améliorés et du choix des bonnes technologies, méthodes et équipements.
Un premier geste concret consiste à évaluer votre efficacité par rapport à des repères pour comprendre votre marge d’amélioration. Les PME peuvent s’appuyer sur plusieurs outils. BDC offre, par exemple, un outil gratuit de comparaison de l’efficacité de la main d'œuvre qui permet aux entrepreneur.es de comparer la productivité de leur entreprise à celle de leurs pairs sectoriels. Cet outil convivial éclaire des décisions d’investissement et de croissance plus avisées.
ALL IN : Comment les entrepreneur.es devraient-ils et elles piloter des améliorations de productivité?
Véronique Dorval : Pour accroître la productivité, on peut commencer par repérer les écarts dans les processus critiques. On parle ici du cycle de la commande au paiement, c’est-à-dire l’ensemble des activités qui vont de la réception d’une commande client jusqu’à l’encaissement du paiement. Ensuite, on compare l’état actuel à l’état souhaité. L’écart entre les deux représente la zone d’amélioration. Ce peut être un changement progressif ou une transformation, selon le contexte et les ressources. Les changements progressifs exigent moins d’investissement et procurent des gains plus modestes, alors que les transformations exigent des investissements et de l’innovation plus importants mais génèrent des gains plus élevés. Les entrepreneur.es peuvent choisir l’approche la plus adaptée et travailler à éliminer les inefficiences et les gaspillages.
Dans notre rapport récent sur la productivité, nous mettons en lumière les huit principaux types de gaspillage :
ALL IN : Dans un monde saturé de priorités et de bruit, pourquoi une entreprise devrait-elle mettre l’accent sur la productivité?
Véronique Dorval : Tout simplement parce que cela rapporte. Les entreprises les plus productives génèrent six fois plus de ventes et quatre fois plus de bénéfices avec le même effectif. Elles y parviennent en améliorant leurs processus, en adoptant l’innovation et en misant sur des technologies intelligentes.
Une façon simple de passer à l’action est l’astuce des cinq heures. Si chaque PME du pays gagnait cinq heures de travail productif par mois, le PIB national pourrait augmenter de 1,2 %, soit environ 700 $ par habitant.
Se fixer un objectif de cinq heures rend cette opportunité concrète. Un petit déplacement du curseur peut produire des effets significatifs. Que vous soyez une équipe de cinq ou de cinquante personnes, gagner cinq heures par mois est à votre portée et vous pouvez commencer dès aujourd’hui.
À l’échelle du pays, l’écart de productivité se creuse et cela coûte des milliards à l’économie. Depuis plus de vingt ans, la productivité au Canada progresse à la moitié du rythme observé aux États-Unis, ce qui place le pays avec un retard de 28 % par rapport à son voisin du sud et 18 % sous la moyenne du G7. Nous nous situons au 27e rang sur 37 pays de l’OCDE pour le PIB par habitant. Imaginez les progrès possibles!
Cet enjeu est capital, car la croissance de la productivité nationale est directement liée à la richesse collective et à l’augmentation des salaires. Accroître la productivité du travail est essentiel pour renforcer la résilience des entreprises et améliorer le niveau de vie au Canada.
ALL IN : L’adoption de l’IA peut-elle changer la donne?
Véronique Dorval : Oui, tout à fait, lorsqu’elle est utilisée avec intention, de manière claire et ciblée. Il faut comprendre ce qui convient le mieux à votre situation et faire les bons choix. On revient à ce premier geste concret, mesurer votre efficacité pour savoir par où commencer. Identifiez de petits gains faciles qui renforcent la confiance, puis explorez des investissements plus structurants.
Une étude de l’OCDE publiée en juillet 2025 indique que le Canada est bien placé pour l’adoption future de l’IA, notamment en raison de taux d’adoption plus élevés dans plusieurs secteurs, en particulier l’immobilier et les services financiers. Les taux d’adoption observés au Canada se rapprochent bien davantage de ceux des États-Unis que de ceux des autres pays du G7. L’organisation prévoit que, dans un scénario d’adoption à rythme moyen, environ 50 % des entreprises canadiennes adopteront l’IA d’ici 2034. Dans ce scénario, la productivité du travail augmenterait de 9 % au cours des dix prochaines années grâce à l’IA seulement. Pour situer cet ordre de grandeur, au cours des dix dernières années, de 2015 à 2024, la productivité canadienne a progressé de 4,8 % au total, soit en moyenne 0,5 % par an.
L’intelligence artificielle n’est pas qu’un effet de mode. C’est un puissant moteur de productivité. Il faut garder cela en tête au moment d’adopter l’IA et de faire évoluer nos façons de travailler.
ALL IN : Comment l’IA peut-elle contribuer à améliorer la productivité des PME canadiennes?
Véronique Dorval : On peut intégrer l’IA dans notre entreprise de trois manières.
- Adopter des outils d’IA qui rendent les employés plus productifs, Copilot en est un bon exemple.
- Intégrer l’IA dans les processus pour les rendre plus efficaces. Par exemple, utiliser l’automatisation robotisée des processus pour les fonctions administratives, l’IA en ressources humaines pour le tri des candidatures, l’IA en production et en logistique pour optimiser les itinéraires ou automatiser les commandes.
- Repenser la proposition de valeur en plaçant l’IA au cœur de l’offre.
Vortex Aquatic Structures International, à Pointe-Claire au Québec, illustre de façon concrète la rentabilité d’un investissement en technologies d’IA. Vous pouvez en lire davantage à leur sujet sur notre site (https://www.bdc.ca/fr/temoignages/vortex). Nous avons travaillé avec l’entreprise à définir une feuille de route vers la maturité en IA, comprenant une liste de projets réalisables, les ressources et les fournisseurs. L’entreprise a aussi élaboré des plans pour un outil de collecte automatisée d’informations d’investissement sur le web et pour un agent conversationnel de service à la clientèle après-vente.
ALL IN : Quels sont les leviers importants que les entrepreneur.es devraient considérer pour adopter l’IA?
Véronique Dorval : Nous proposons un guide pratique pour les entreprises qui veulent utiliser l’IA afin d’améliorer leur productivité. Notre programme De la donnée à l’IA, lancé il y a près d’un an, met l’accent sur cinq volets clés pour outiller les entreprises.
- Aligner l’adoption de l’IA sur des priorités stratégiques ou opérationnelles qui stimulent la productivité. L’IA n’est pas une fin en soi.
- Disposer de données solides et claires, c’est l’un des intrants les plus déterminants d’une réussite.
- Choisir entre acheter et créer. Explorer d’abord les outils et plateformes existants, et envisager des solutions sur mesure si vos besoins ne sont pas comblés.
- Mobiliser l’équipe avec une personne championne de l’adoption de l’IA et de la formation. Ajuster et améliorer en continu.
- Établir des règles claires en matière de confidentialité, de cybersécurité et de transparence pour créer la confiance au sein de l’équipe et auprès des clients.
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À ALL IN 2025, Véronique partagera ses perspectives lors du panel « Des économies propulsées par l’IA, comment l’automatisation transforme la productivité et l’innovation » sur la scène Forum, le 24 septembre.
Pour prendre part à la conversation et vous connecter à l’écosystème canadien de l’IA, nous vous invitons à nous rejoindre à ALL IN 2025 les 24 et 25 septembre au Palais des congrès de Montréal. Cet événement d’envergure internationale rassemblera plus de 6 000 participants, dont des dirigeantes et dirigeants d’entreprise, des chercheuses et chercheurs, des investisseurs et des décideurs publics, aux côtés de 200 conférencières et conférenciers de calibre mondial et de délégations de plus de quarante pays. Ce sera une occasion unique d’explorer les grandes tendances, de partager des expériences concrètes et d’identifier de nouvelles pistes de croissance.